PALEOBIOS ,13 / 2004 / Lyon-France ISSN 0294-121 X / La trépanation : étude de cette pratique chirurgicale au Moyen Age .

La trépanation : étude de cette pratique chirurgicale au Moyen Age

Cécile Giraud (1)(2)*

1 : Laboratoire d’Anthropologie Anatomique et de Paléopathologie UCB Lyon 1, 8 avenue Rockefeller 69373 Lyon CEDEX 08 France.

2 : les trois photographies de l'article sont de l'Auteur.

 

Résumé

La découverte d’un nouveau cas médiéval de trépanation sur le site de Brioude (Haute-Loire, France) permet de rappeler les principales caractéristiques macroscopiques et radiologiques de cette opération essentiellement crânienne. Ces données servent de référence pour établir un diagnostic différentiel avec des pathologies ostéolytiques. D’autres études européennes sur ce sujet sont mentionnées.

 

Mots-clés : Trépanation ; Moyen Age.

 

Abstract

Trephination : study of this surgical method during the Middle Ages

A new mediaeval case of trephination in Brioude site (Haute-Loire, France) enables to remind the main macroscopic and radiologic caracteristics from this essentially skull operation. These informations are used to establish a differential diagnosis with osteolytic pathologies. Others europeans studies about this subject are mentioned.

 

Key-words : Trephination ; Middle Ages.

 

1.Introduction.

La trépanation est une opération essentiellement crânienne, qui consiste à prélever   un rectangle ou un disque d’os, en un ou plusieurs endroits ; l’exemple de Brioude illustre cette définition. Mais la seule présence d’un orifice crânien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse obligatoirement d’une trépanation ; un examen macroscopique voire radiologique permettra de dissocier acte chirurgical et pseudo-pathologie . La connaissance du diagnostic différentiel fera apparaître d’autres pathologies produisant un résultat similaire à une trépanation. La trépanation est connue en Europe depuis le Mésolithique, mais son étude étiologique montrera l’évolution conceptuelle de sa pratique.

 

2. La trépanation de Brioude.

La fouille archéologique de Brioude (Haute-Loire, France) en 2002, a permis la mise au jour d’une nécropole utilisée entre le haut Moyen Age et le XVIII° siècle. Celle-ci se situe précisément au nord-est de la basilique Saint Julien, place Grégoire de Tours. Certaines sources révèlent que dès la fin de l'Antiquité, la Gaule offre des sanctuaires pour les fidèles dans l'incapacité de se rendre aux lieux saints : il s'agit des tombeaux de martyrs, tels celui de Saint Julien de Brioude, Saint Martin de Tours ou encore Saint Hilaire de Poitiers (Piétri, 1982). Brioude accueille donc de nombreux pèlerins et dans ce contexte, possède un centre hospitalier. Les découvertes de pathologies traumatiques ayant bénéficié de soins ainsi qu’une trépanation abondent dans ce sens.

 

2.1. Description ostéologique.

Le sujet qui a retenu notre attention (sépulture 1206) appartient à une sépulture individuelle primaire, dont la datation oscille entre le XIII° et le XIV°siècle.

Le crâne de cette sépulture est très fragmenté. Sa reconstitution n’a permis l’observation que de la partie supérieure du pariétal gauche, du pariétal droit, ainsi que du frontal, du sphénoïde, du temporal et d’une petite partie de l’occipital homolatéraux . Ce calva semble appartenir à un homme âgé (entre 50-60 ans) selon le degré de synostose des sutures crâniennes, en particulier de la coronale. ( Masset , 1982)

L’ouverture considérée se situe sur le frontal droit (fig. 1) ; sa forme est globalement rectangulaire (22x11 mm) selon un axe transversal, ce qui est rare semble-t-il en Europe. L’orifice exocrânien est plus important (14,6 mm dans sa largeur) que l’endocrânien (12 mm). Les bords sont irréguliers (aspect piqueté), légèrement biseautés et émoussés. Le diploé n’apparaît pas, les deux tables étant réunies par à une fine néoformation osseuse (2 mm sur le bord antérieur). Le sujet est probablement décédé peu de temps après l’intervention.

 

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   Fig. 1- Vue antéro-latérale droite du crâne.        Fig. 2 - Vue exocrânienne de l’ouverture aux contours biseautés.

 

 

Sur l’exocrâne (fig. 2), la surface périphérique est globalement lisse et homogène. Néanmoins, une plage microporeuse ovale (9x14 mm), d’axe oblique et s’achevant par une petite dépression circulaire (4,8 mm de diamètre pour une profondeur d’environ 1 mm) apparaît en postéro-médial du point d’intervention. Cette réaction de la table externe suggère un   processus infectieux. On remarque également, sur le contour antérieur de l’ouverture, un fin bourrelet, peut-être significatif d’une réaction inflammatoire. Sur l’endocrâne (fig. 3), des nodules de Pacchioni cernent de part et d’autre la sagittale. Il s’agit des empreintes de villosités arachnoïdiennes permettant la résorption du liquide céphalorachidien par les sinus veineux, situées le long du sinus longitudinal supérieur. Trois nodules, dans l’angle corono-sagittal droit, constituent les sommets d’une dépression triangulaire (base de 22 mm et hauteur de 29,5 mm) signalant un amincissement de la voûte à cet endroit. Une des branches de l’artère méningée moyenne, dont l’empreinte est plus profondément marquée que le reste du réseau, aboutit à cette dépression. Son trajet est souligné de quelques pertuis ( hypervascularisation  ?).

 

 

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Fig. 3 – Vue endocrânienne : forte empreinte de l’artère méningée moyenne aboutissant à une dépression triangulaire

 

2.2. Diagnostic.

La morphologie de cette ouverture nous permet d’appréhender une trépanation. Cette dernière ne semble pas résulter d’un traumatisme antérieur. La forte impression de l’artère méningée, les nodules de Pacchioni et l’amincissement de la voûte crânienne, apparentent ce cas à celui décrit par Smrcka et al. , 2003 (voir chapitre 4.1.3). La localisation de l’intervention chirurgicale et la description endocrânienne sont semblables. Sans être aussi affirmatif dans le diagnostic étiologique proposé (un méningiome parasagittal ), sans doute pouvons-nous considérer, sur un plan plus large que cette trépanation fait suite à une hypertension méningée (ayant pu induire des céphalées ?). L'âge mûr du sujet tendrait à le confirmer.

 

 

3. Caractéristiques d’une trépanation.

 

31. Topographie, formes et dimensions.

Toutes les zones du crâne peuvent être touchées, avec par ordre de fréquence : le pariétal, le frontal, le temporal, l’occipital et quelques rares trépanations orbitaires. (Perrot et Morel , 1970)

Les crânes masculins sont plus souvent concernés que les féminins pour la trépanation complète (rapport de 3/1). Ceci s’explique par la plus grande fréquence des traumatismes chez l’homme ( Beis , 1981). On note aussi la prédominance du côté gauche. (Weber et Czarnetzki , 2001)

Les trépanations se situent donc dans des régions où la dure-mère n’est pas adhérente, connues sous le nom de ‘zone de Gérard Marchant’ ( Dastugue et Gervais, 1992). Elles respectent généralement les sinus veineux sinon les sutures, ces dernières constituant souvent le point de départ de ces ouvertures crâniennes. Mais de nombreuses autres localisations montrent la hardiesse ou l’ignorance des opérateurs. ( Thillaud , 1996)

Les dimensions de l’ouverture dépendent de la technique employée à sa réalisation. Les contours présentent des formes diverses : circulaires ou elliptiques (à grand axe antéro-postérieur ). La dimension moyenne oscille entre 30 et 50 mm pour une forme ovale, à 200 mm pour une circulaire. ( Thillaud , 1996) La forme quadrangulaire est exceptionnelle en Europe, alors qu’elle est classique chez les Amérindiens. ( Ortner et Putschar , 1981)

La trépanation est généralement unique, mais il existe quelques cas d’interventions successives, soit éloignées de la trépanation initiale, soit à l’emplacement de la première.

 

3.2. Examens macroscopiques et radiologiques.

La morphologie d’une trépanation observée sur l’os sec résulte de deux éléments : la technique utilisée et la survie du sujet. Face à une trépanation, on peut envisager quatre scénarios possibles ( Ortner et Putschar , 1981) :

  • une affection a provoqué l’acte opératoire et a causé le décès de l’individu ;
  • l’intervention elle-même a entraîné le décès du sujet ;
  • l’opération est indirectement la cause du décès car elle a engendré une infection léthale ;
  • il n’y a eu aucune complication postopératoire et le patient a survécu.

 

3.2.1. Trépanations complètes.

3.2.1.1. Morphologie.

Une trépanation ante-mortem est effectuée de l’extérieur vers l’intérieur du crâne. Dans le cas d’une trépanation complète, l’orifice résiduel est régulier, sans déchiquetage. La table externe est taillée en biseau, plus ou moins obliquement, le plus souvent rasant et abordant la table interne tangentiellement pour éviter la dure-mère. ( Dastugue , 1975 ; Leclerc-Roumier , 1981) La présence du biseau montre que l’existence et le rôle de la dure-mère ont été très tôt connus. L’examen de ce biseau, qui a mis à découvert les cellules diploïques, permet aussi d’apprécier les signes de survie du sujet.

 

3.2.1.2. Opération ante- ou post-mortem  ?

L’observation des diamètres respectifs des deux tables montre que :

  • la trépanation est ante-mortem si le diamètre exocrânien est plus important que l’endocrânien ;
  • elle est post-mortem si les deux diamètres sont identiques. Parfois, le diamètre externe est inférieur à l’interne si le crâne a été trépané post-mortem , à partir de l’endocrâne.

Il faut noter que les trépanations amérindiennes de type carré et réalisées ante-mortem , sont à bords verticaux.

L’étude macroscopique des berges de la trépanation permet de pronostiquer la survie du patient. Les suites immédiates ou très rapprochées de la trépanation ont été mortelles si ( Dastugue , 1975) :

  • la section est plane, marquée de fines stries concentriques ;
  • les bords de la berge sont nets, linéaires et souvent tranchants ;
  • le diploé a conservé sa structure alvéolaire, exempt de tout processus réparateur ;
  • aucun processus de comblement, aucun bourgeonnement n’est décelable.

En présence de caractéristiques ostéologiques analogues, comment dissocier une trépanation ayant entraîné la mort rapide du sujet, de celle effectuée sur un cadavre ? Thillaud (1996) parvient à cette distinction en considérant qu’une trépanation post-mortem comprend :

  • des signes révélateurs d’une technique plus négligée qui, ne visant qu’à l’obtention d’une rondelle, exclue celle du grattage progressif ;
  • des localisations moins soucieuses de l’intégrité des structures anatomiques vitales sous-jacentes (sinus veineux, méninges et cerveau) ;
  • des découpes plus étendues dont les berges plus régulières, plus rectilignes et les biseaux plus symétriques, témoignent de la liberté de l’opérateur dans la manipulation d’une tête sans vie.

 

3.2.1.3. La cicatrisation.

La cicatrisation est toujours longue et progressive ; elle n’apparaît pas avant les 70 jours succédant à l’intervention. De même que 34 ans après l’opération, certains crânes trépanés ne sont pas entièrement reconstitués. ( Arnott et al. , 2003)

Elle aboutit à l’obturation des alvéoles béantes du diploé par une lame d’os compact plus ou moins homogène qui assure, en fin d’évolution, une bonne continuité entre les tables externe et interne. Cet os néoformé acquiert, sous la poussée intracéphalique , une convexité identique à celle de la voûte.

S’il s’agit d’une intervention pour fracture, l’opération débute par une esquillectomie. La cicatrisation laisse une brèche plus ou moins régulière ou une obturation incomplète de la perte de substance osseuse. ( Dastugue et Gervais, 1992)

La périphérie du bord exocrânien de l’orifice peut être le siège d’une réaction périostée se traduisant par l’existence d’un bourrelet osseux circonférentiel plus ou moins régulier ( Thillaud , 1996). La lame osseuse néoformée peut être également marquée de stries radiées, de spicules osseux ou être percée d’orifices vasculaires qui révèlent la survenue, au cours d’une phase réparatrice, d’un épisode inflammatoire voire d’une infection (Roberts, 1991). Cette dernière n’est pas mortelle si la dure-mère n’a pas été touchée ; sinon, on peut craindre une méningite ou des abcès méningés… non décelables sur le crâne. (Weber et Czarnetzki , 2001 ; Kaufmann et al., 1990)

 

3.2.1.4. La radiographie. ( Chege et al. , 1996)

L’examen radiologique respecte l’intégrité des pièces osseuses et apporte une appréciation de la cicatrisation éventuelle des bords de l’orifice. Sur une coupe fraîche, l’image du biseau apparaît parsemée par les alvéoles diploïques intactes jusqu’au contact même du bord de la table interne formé par un liseré filiforme.

En cas de cicatrisation, une opacité annulaire plus ou moins dense circonscrit l’orifice. De même qu’apparaît une perte de substance de contour précis et défini, sans image pathologique adjacente ( Dastugue , 1975). Les différences de ton concentriques entre l’ouverture, l’os néoformé, la condensation osseuse et la voûte crânienne donnent ce que certains appellent une ‘image en cocarde’. ( Lucas-Championnière , 1912)

 

3.2.2. Trépanations incomplètes.

S’agit-il d’une trépanation volontairement incomplète (Broca, 1874) ou arrêtée en cours d’exécution ? D’un acte chirurgical ou d’un processus pathologique ? Selon Dastugue et Gervais (1992), ni le siège, ni les dimensions, ni la forme générale ne sont des éléments déterminants. L’hypothèse chirurgicale est avérée si « la plage osseuse évidée est exactement limitée par un bord étroit, généralement linéaire et sans chevauchement entre la surface abrasée et l’os sain qui l’entoure. »

 

3.2.2.1. Morphologie.

On distingue deux catégories de trépanation incomplète :

  • certaines, au contour linéaire et non évasé, ont une surface qui, au premier abord rappelle les notions d’érosion ou d’ulcération. En cas de cicatrisation, on retrouvera une surface lisse, plane ou mamelonnée, mais n’ayant jamais l’aspect des zones d’origine inflammatoire.
  • les plus nombreuses se présentent sous forme de cupules. La forme et la dimension de ces dépressions sont d’une grande variété ; certaines sont à peu près circulaires, d’autres franchement ovales. Leur apparence est celle d’une lésion parfaitement cicatrisée, couverte en totalité d’os néoformé semblable à l’os périphérique ; la frontière qui les sépare est d’autant plus floue que le bord est généralement évasé et mousse. ( Dastugue et Gervais, 1992)

 

3.2.2.2. Radiographie.

L’examen de l’endocrâne et la radiographie aident à déterminer s’il s’agit d’une véritable perte de substance. Cette dernière se présente généralement comme une image arrondie, à centre clair se dégradant progressivement vers les bords. La radiologie a surtout pour but de montrer l’état du crâne dans les régions voisines de la trépanation. ( Dastugue , 1975)

 

4. Diagnostic différentiel.

Il ne faut pas confondre une trépanation en cours de cicatrisation avec quelques maladies perforantes de la voûte crânienne (lésions ostéolytiques de la table externe et du diploé). Seuls les cas ayant suscité une étude anthropologique ont été développés (Ortner et Putschar , 1981 ; Beis , 1981 ;   Aufderheide et Rodriguez-Martin , 1998).

 

4.1. Pour les trépanations complètes.

 

4.1.1. Les maladies infectieuses et parasitaires.

La tuberculose, chez les sujets immatures : un granulome inflammatoire se forme dans le diploé et perfore les tables interne puis externe. L’orifice arrondi ou ovale (moins de 2 cm de diamètre) qui en résulte contient un séquestre et est bordé d’un biseau régulier développé aux dépens de la table interne. (Murray et al., 1990)

La syphilis tertiaire se caractérise par l’apparition de gommes syphilitiques provocant des lésions au niveau du crâne appelées caries sicca . Il s’agit de cavitations serpigineuses et nodulaires exocrâniennes et de perforations endocrâniennes, qui cicatrisent par circonvolutions aboutissant à un aspect étoilé. La syphilis détruit aussi la base du crâne.

D’autres affections peuvent atteindre la voûte crânienne : la lèpre, l’ostéomyélite, la mycose, l’échinococcose alvéolaire osseuse, l’ hydatidose cérébrale et l’onchocercose.

 

4.1.2. Les affections congénitales.

Certains individus conservent parfois leur vie durant, une béance anormale des deux trous pariétaux (Goldsmith, 1945). Siégeant invariablement dans les angles postéro-supérieurs , ces lacunes pariétales sont disposées symétriquement de part et d’autre de la suture sagittale. Leurs berges sont constituées d’os compact aminci aux dépens des deux tables. Il existe également une forme unilatérale prédominante à droite, plus difficile à distinguer.

La méningocèle et la méningo-encéphalocèle sont extrêmement rares ( Raspall , 1990). Il s’agit d’une protrusion d’une partie des méninges à travers une fissure congénitale du crâne. Leur topographie préférentielle est occipitale (75%) mais on en observe également 10% sur le pariétal ( Aufderheide et Rodriguez-Martin , 1998). Dans ces cas, les berges d’os compact, biseautées aux dépens des deux tables - mais surtout de l’interne - ne laissent jamais à nu le diploé. La situation de ces lésions ne peut qu’être médiane ou para-médiane . L’amincissement des pariétaux réalise de vastes dépressions symétriques de formes polygonales consécutives à une disparition du diploé à cet endroit.

Plus généralement, on observe sur la calotte des dépressions, cupules et gouttières, systématisées ou non, multiples ou solitaires, que Thillaud (1996) regroupe sous le terme « d’amincissement dysplasique de la voûte crânienne » et qui peuvent parfois être confondues avec des trépanations incomplètes.

La dysostose cléïdocrânienne se caractérise notamment par une hypoplasie des clavicules ainsi qu’une malformation du crâne. Cette dernière se révèle par une ossification incomplète, la présence d’os wormiens, la persistance de la suture métopique et la déformation du foramen magnum.

 

4.1.3. Les néoplasies. 

Les kystes dermoïdes ou cholestéatomes de la voûte aboutissent à des lésions mixtes à prédominance ostéolytique. Ils sont identifiables par leur hétérogénéité, le bourrelet osseux qui les entoure et le mamelon siégeant parfois en leur centre.

Les angiomes provoquant des perforations sont rares. Ces tumeurs sont à l’origine de pertes de substance bien reconnaissables tant par l’anarchie du remaniement osseux qui règne à leur périphérie et qui leur confère une grande irrégularité, que par l’élargissement caractéristique des canaux voire des gouttières vasculaires diploïques.

L’ histiocytose X se caractérise par la prolifération localisée ou disséminée, de cause inconnue, d’ hystiocytes anormaux, dont les manifestations cliniques sont polymorphes (granulome éosinophile des os, maladie de Letterer-Siwe , maladie de Hand-Schüller-Christian ) ( Manuila et al. ,2002). Dystrophie bénigne destructrice de l’os, elle provoque sur le crâne une lésion ostéolytique arrondie ou ovale aux contours réguliers mais polycycliques, le plus souvent à siège frontal. Parfois, un séquestre central se présente mais son irrégularité le différencie de l’os néoformé qui obture une trépanation. La radiographie ne montre pas d’anneau condensé autour de la perte de substance. ( Dastugue , 1975)

Certains auteurs pensent que l’ histiocytose X découle d’un disfonctionnement du système immunitaire ( Resnick , 1995). Elle attaque l’os lors de sa formation, donc se retrouve sur des adolescents ou de jeunes adultes, avec une préférence pour les sujets masculins ( Lieberman , 1975). C’est notamment l’exemple du cas exposé dans un article de Barnes et Ortner (1997), concernant le crâne (partie supérieure du pariétal gauche, près de la sagittale) d’un jeune grec (12-14 ans) du XIV° siècle. Chez cet adolescent, cette forme semble relever d’une maladie de Hand-Schüller-Christian . Cette étude est intéressante car l’individu a aussi bénéficié d’une trépanation.

Carcinomes, fibrosarcomes, chondrosarcomes et sarcomes ostéogéniques sont à l’origine de pertes de substance et de perforations toujours très irrégulières. Leurs berges, où siège souvent une prolifération intense, se singularisent de celles qui bordent les orifices produits par toutes techniques trépanatoires .

Le myélome multiple ou maladie de Kahler, est une hémopathie maligne à manifestations osseuses prépondérantes, qui apparaît entre 40 et 60 ans et touche plus les hommes que les femmes (ratio 2/3). Il se caractérise par des perforations à l’emporte-pièce (lésion circulaire d’environ 1 cm de diamètre) laissant toujours à découvert les cellules diploïques.

Très semblables sont les perforations consécutives aux métastases ostéolytiques du cancer d’origine épithéliale (sein, bronches, thyroïde ou prostate). ( Thillaud , 1996)

D’autres types d’affections peuvent prêter à confusion : les méningiomes qui, pour la plupart sont adhérents à la dure-mère et particulièrement dans les zones où les villosités arachnoïdiennes sont nombreuses ( Manuila et al ., 2002) ; la neurofibromatose ou maladie de Recklinghausen ; les réticuloses osseuses bénignes ; la maladie de Hodgkin.

 

4.1.4. Autres.

Les érosions taphonomiques (ou pseudo-pathologie ) sont le résultat du grignotage de souris ou d'insectes tels les coléoptères (Pales, 1929).

 

4.2. Pour les trépanations incomplètes.

4.2.1. Les traumatismes.

Les embarrures ou enfoncements de l’exocrâne sous formes de cupules, seront identifiées par l’examen de l’endocrâne.

Seront également problématiques les coups d’épée portés tangentiellement au crâne ( Thillaud , 1996) ainsi que les perforations traumatiques : pierres de fronde ( Moodie , 1919).

 

4.2.2. Les érosions ostéitiques .

Elles poseraient problème si les dépressions osseuses étaient habituellement suivies d’infection. Il arrive toutefois que les irrégularités du fond de la cupule fassent penser à une réaction inflammatoire. Il faudrait par ailleurs qu’elles envahissent la totalité de la surface pour rendre le diagnostic difficile. ( Dastugue , 1975)

 

5. Diagnostic étiologique.

Les hypothèses émises quant aux objectifs des trépanations, sont tirées d’écrits anciens, de pratiques actuelles chez des peuples primitifs et d’observations cliniques contemporaines. Néanmoins l’étude ostéologique permet rarement de déterminer l’affection qui a suscité l’opération. ( Dastugue , 1975)

 

5.1. Acte chirurgical thérapeutique.

 

5.1.1. Troubles du comportement.

Si l’on se réfère à Galien (130-200), les désordres psychiatriques résulteraient d’une mauvaise circulation dans le cerveau, des quatre fluides irrigant le corps : le sang, la bile jaune ou colera , la bile noire ou melancolia , le flegme. (Fritz, 1998). La trépanation a donc pour but d’extraire du crâne l’entité ou l’humeur à l’origine des troubles psychiatriques (Broca, 1876), de l’épilepsie et des convulsions ( Leclerc-Roumier , 1981).

Un cas d’épilepsie soigné par trépanation est relaté sur la personne de Charles VI (1368-1422). Il fut traité par deux moines augustins, au moyen d’incisions dans le cuir chevelu ; ils mirent le malade en danger « de mourir piteusement » et expièrent leur échec par la torture (Huard et Grmek , 1966). Une autre version des faits veut qu’il ait été trépané par Gérard Lacombe, médecin lyonnais. Ainsi le rapporte Guenée (2004) : le duc de Bourbon, revenant d’Italie « amena de Lyon sur le Rhone ung fizicien ou medecin tres excellent, lequel medicina le roy et lui fit purgacion par la teste. Par quoy il assouaga ».

 

5.1.2. Atteintes traumatiques.

L’acte thérapeutique doit favoriser une décompression intracrânienne : il s’agit des lésions rencontrées lors des guerres ( Gurdjian , 1973 ; Mitchell, 1999) avec les embarrures provoquées par les armes contondantes alors utilisées (lance, épée, javelot, poignard, flèche, hache) et des fractures accidentelles.

Une étude récente effectuée par Weber et Czarnetzki (2001), a permis l’observation de 304 crânes du VI° au VIII° siècle (période des Alamans) en Allemagne. 10% d’entre eux offraient les signes de lésions crâniennes dues à des armes, certaines ayant entraînées une mort immédiate, d’autres présentant des signes de rétablissement. Dans 2/3 des cas, le coup a été porté sur la région frontopariétale gauche, ce qui peut s’envisager lors d’un face à face entre deux guerriers, l’assaillant étant droitier.

Dans le cadre d’une atteinte traumatique, le sujet peut survivre si le coup n’a pas percé la table interne ni lésé les méninges ( Arnott , 2003). Cela dépend également de la profondeur du coup porté (Khalil et al. , 1991) et de la façon dont on retire l’arme ; son retrait précipité provoque 26% des décès par hémorragie ( Kieck et Devilliers , 1984 ; Du Trevou et Van Dellen , 1992). La localisation du coup joue aussi un rôle : on constate 41% de décès dans le cas d’une atteinte du sinus longitudinal supérieur (Meier et al., 1992), et 50% de décès causés par un coup porté sur la suture sagittale (forte hémorragie). (Weber et Czarnetzki , 2001)

Il peut également arriver qu’une tentative de trépanation se superpose à une fracture crânienne. Dans ce cas on observe visuellement et par examen radiographique, que le trait de fracture est interrompu par un processus de comblement correspondant précisément à la zone d’exérèse osseuse. Dastugue (1973) cite un exemple dans les fouilles de la vallée du Petit-Morin , où le trait d’une fracture frontale est interrompu en son milieu par une trépanation suivie d’une prolifération osseuse qui en ce point, a partiellement comblé le trait de fracture. Trois des crânes Alamans étudiés par Weber et Czarnetzki (2001) ont la même configuration.

 

5.1.3. Les néoplasies.

Il s’agit notamment des hématomes extraduraux (fréquents sous le pariétal). Mais comment le démontrer en l’absence de signes intracrâniens ? ( Campillo , 1984 ; Teasdale et al. , 1990)

Une équipe tchèque ( Smrcka et al. , 2003) a étudié une trépanation localisée sur le frontal droit d’un sujet médiéval (XIII°-XVI° siècles) adulte (50-60 ans). La trépanation présente un aspect ovale selon un axe antéropostérieur. La cicatrisation partielle de ses bords et une sclérose périphérique (radiographie) attestent une trépanation. Le remodelage des berges osseuses laisse supposer que l’individu a survécu environ trois mois à son opération. Selon les auteurs, l’opération a été effectuée en trois étapes : la première par rainurage, délimitait le tracé à l’aide d’une lame ; puis il y eut perforation de la boîte crânienne, affinée par un dernier grattage tangentiel.

Les auteurs ont défini l’étiologie de cette opération (un méningiome parasagittal ) à partir de l’endocrâne et de l’observation différentielle de l’artère méningée moyenne droite, plus profonde que la gauche, et accompagnée de granulations de Pacchioni. Plusieurs dépressions marquent le sinus sagittal supérieur. Ces observations ont été rapprochées par analogie de celles effectuées par Campillo (1977) sur deux crânes espagnols.

Des études complémentaires ont montré que le ratio homme-femme de plus de 60 ans pour un méningiome était de 1/3 ( Rengachary et Suskind , 1991). De même Wilkins (1991) a mis en évidence à partir d’une étude portant sur 154 crânes, qu’un méningiome dans cette partie crânienne occasionnait de l’épilepsie ou des troubles mentaux dans 73% des cas, des céphalées dans 44%, des troubles de la vision dans 24%, de l’amnésie dans 10% et des difficultés d’élocution dans 8%.

 

5.1.4. Autres.

  • céphalalgies (migraines et céphalées) ( Capasso et Di Tota , 1996). Guy de Chauliac (1300-1368) passe pour avoir opéré avec succès Clément VI (1291-1352) atteint de céphalées tenaces. L’exhumation du squelette papal en 1709, a confirmé la réalité de l’intervention. Sur le pariétal gauche figurait un orifice de 3x2 travers de doigt. On peut supposer que cet homme souffrait d'hypertension cérébrale, d'où le soulagement obtenu.
  • dans quelques cas d’hydrocéphalie.
  • affection chronique de l’oreille. (Mann, 1991)

 

5.2. Pratique rituelle, magique, initiatique ou religieuse.

 

5.2.1. Croyances.

Dans les civilisations traditionnelles, empirisme, religion et magie sont intimement liés. Il s’agit du concept animiste d’une entité responsable de l’idiotie, de la folie, des délires, de l’épilepsie et des migraines.

Pour Lazorthes (1967) et d’autres auteurs (Parry, 1931 ; Oakley et al, 1959 ; Bouchet, 1968), le but mystique de la pratique est avéré au Néolithique. Comme les autochtones actuels, ils procèdent à la trépanation pour faire sortir le démon, les esprits malins, les éléments surnaturels censés logés dans la tête. La croyance selon laquelle les troubles mentaux sont liés à la possession diabolique persiste d’ailleurs au-delà du Moyen Age.

 

5.2.2. Indices ostéoarchéologiques .

Une étude de Prioreschi (1991) montre que près de 6% à 10% des crânes du Néolithique ont été trépanés. A cette période, certaines pratiques post-mortem se caractérisent par la multiplicité des orifices pour le prélèvement de rondelles (Broca, 1877). Certaines sont polies sur les bords avec des perforations (pour une suspension ?), d’autres avec des gravures. Découpées au voisinage de trépanations cicatrisées, l’opération et peut-être sa cause auxquelles le sujet avait survécu, conféraient semble-t-il à ces rondelles un rôle prophylact.

Pour la période grecque, Charles (in Grmek , 1983) a trouvé cinq crânes argiens (XIII° siècle avant JC) comportant des trous multiples, circulaires, de dimensions modestes, forés perpendiculairement à la paroi osseuse. Effectués sur des os d’apparence saine, ils ne révèlent aucune trace de cicatrisation ni de suppuration. Sans doute résultent-ils d’une intervention post-mortem dépourvue de raison médicale.

Ces indices ostéoarchéologiques suggèrent que dans la Grèce antique, l’origine de la trépanation n’est pas à chercher uniquement dans la chirurgie rationnelle. Elle apparaît initialement comme une intervention rituelle, exécutée sur des cadavres puis sur des vivants. L’expérience enseignant qu’on peut survivre à l’ouverture de la boîte crânienne, une technique rudimentaire est acquise permettant l’application médicale de la trépanation. On s’est alors mis à opérer des malades, les indications étant à la fois magiques et rationnelles (traumatismes crâniens).

A Odartzi (au Nord-Est de la Bulgarie), la pratique de trépanations symboliques semble avoir eu lieu sur 32% des crânes de la population médiévale (X°-XI° siècles). Aucun des patients n’est décédé des suites de cette opération. Le nombre d’orifices par crâne varie de un à onze. Les auteurs de l’article proposent à titre explicatif un geste rituel ou une thérapie en prévention d’épidémies, compte-tenu du nombre d’individus concernés, tous sujets adultes. (Yordanov et Dimitrova, 1990).

 

6. Recensement de quelques cas en Europe.

La liste suivante n’est pas exhaustive car fondée sur les seules recherches publiées. Certaines d’entre elles sont déjà mentionnées dans les chapitres précédents (Perrot, 1982).

 

6.1. Europe de l’Est.

 

6.1.1. Bulgarie.

A Odartzi , ont été identifiés des cas de trépanations symboliques (le nombre d’orifices par crâne variant de un à onze) sur 32% de la population médiévale (X°-XI° siècles). Aucun des patients n’est décédé des suites de l’opération. (Yordanov et Dimitrova, 1990)

 

6.1.2. Hongrie .

Nemeskeri et al. (1965) soumettent le cas de 97 trépanations incomplètes symboliques, des X°-XI° siècles, ayant connu un processus de cicatrisation lamellaire.

A Nagytàlya ( Kissné Korompai , 1973-74 in Perrot, 1982, p. 90), il est fait état d’une trépanation occipitale.

A Taliàndörögd ( Ery , 1979 in Perrot, 1982, p. 90), une petite trépanation circulaire a été réalisée sur le pariétal droit d’un individu masculin.

 

6.1.3. République Tchèque.

XIII°-XVI° siècles : la trépanation du frontal droit d’un adulte âgé a été étudiée par Smrcka et al. (2003). Elle aurait été causée par la présence d’un méningiome parasagittal .

 

6.2. Europe de l’Ouest.

 

6.2.1. Allemagne.

Quelques exemples de la fin du IV° et du début du V° siècle sont cités par Schmidt (1963, in Janssens , 1970, p. 138).

Weber et Czarnetzki (2001) ont observé 304 crânes appartenant à la période des Alamans (VI°-VIII° siècles) : 10% comportent des lésions crâniennes dues à des armes (2/3 des cas sur le frontopariétal gauche). Certaines montrent des signes de cicatrisation, d’autres non. Trois crânes de cet ensemble présentent une trépanation se superposant à un traumatisme crânien ce qui, à l’évidence, est la preuve d’une thérapie chirurgicale dans le but d’éliminer des esquilles osseuses dangereuses pour les méninges.

 

6.2.2. Pays-Bas.

Hanewald et Perizionus (1980) parlent de neuf crânes trépanés et de onze rondelles crâniennes provenant de terpes , buttes artificielles d’habitation, à Frise, Ferwed , Winsum , Walburg Kerk et Tiel .

 

6.2.3. Danemark.

Bennike (1985) passant en revue la paléopathologie des squelettes danois, ne relève aucun cas de trépanation au Moyen-Age : il est intéressant de noter qu'elle s'étonne de cette absence ( comme Perrot, en 1985 ) :"Finally, it is very peculiarthat from this period, when both written sources and etchings testify that trepanation was a familiar technique, we have no found mores skulls showing traces of this operation"( 1985, p.94).

 

6.2.4. Grande-Bretagne.

Homme de 40-60 ans trépané sur le pariétal gauche, à Lyminge . ( Warhurst , 1955) 

Homme trépané sur le frontal, à Snells Corner. (Cave, 1955-57) 

Crâne trépané d’un jeune homme de 20-30 ans sur le site de Whitchurch  : ouverture avec des bords perpendiculaires et un diamètre d’environ 27 mm, probablement faite avec une tréphine . En l’absence de trace de cicatrisation osseuse, le sujet est probablement décédé à la suite de l’opération. Pathologie associée : une forte carie de la troisième molaire inférieure droite qui a peut-être conduit à cette opération. (Jones et Webster, 1968) 

Trépanation crânienne sur la mastoïde gauche d’un crâne de York. Pas de trace de cicatrisation ; la présence de porosité suggère que l’opération a été induite par ou a engendré une infection. ( Brothwell , 1974)

Wells (1974) rapporte les cas de cinq trépanations. Toutes portent les mêmes caractéristiques de cicatrisation et ont probablement été effectuées par le même chirurgien : à Swaffham (VI° siècle), crânes trépanés d’un homme de 30-40 ans et d’un autre de 40-55 ans ; à Eriswell (VI° siècle), trépanation cicatrisée d’un homme de 30-35 ans ; à Grimston , trépanation (pariétal droit) cicatrisée d’un homme de 30-40 ans (ce crâne porte également une autre dépression, sur le frontal gauche) ; à Watton , trépanation du frontal gauche sur un homme de 25-35 ans.

Brothwell et al. (1975-76) évoquent deux sujets trépanés, l’un sur le pariétal droit (bien cicatrisé), l’autre sur le fronto-pariétal , également cicatrisé. Ces deux lésions n’ont pas été repérées initialement car les crânes étaient fragmentés.

A Cirencester , un homme de 45-55 ans révèle une trépanation du frontal droit associée à un coup d’épée sur le pariétal droit. On présume que l’opération est consécutive à une pression intracrânienne. Le sujet a également été décapité. ( Wacher et McWhirr , 1982).

 Parker et al. (1986) décrivent le crâne trépané et cicatrisé d’une femme âgée parmi 105 sujets inhumés à Willoughby-on-the Wolds (VI° siècle). Celui-ci présente une hyperostose poreuse et deux lésions sur le pariétal gauche, probablement consécutives à la réception d’un objet émoussé, ce qui a entraîné une trépanation par grattage. Ils citent également un crâne trépané retrouvé parmi une dizaine d’inhumations à Ilkley appartenant à une femme âgée portant deux orifices sur le pariétal gauche, probablement effectués par grattage.  

 

6.2.5. Irlande.

Trois cas sont signalés dont celui d’un enfant de 13 ans à Colliers-Town , Maganey Lower et l’abbaye de Nendrum (Fleetwood, 1951 in Lisowski , 1967, p. 654).

 

6.2.6. France.

L’épilepsie de Charles VI et les céphalées de Clément VI ont été traitées par la trépanation. Ces exemples illustres témoignent d’une pratique opératoire certaine de la part des chirurgiens, compte tenu des risques encourus en cas d’échec. Quelques cas (nombre indéterminé) de trépanation à la scie ont été relevés en Meurthe et Moselle (Soulié, 1981).

Dans la nécropole de Saint-Martin de Fontenay, il a été mis au jour un homme du VII° siècle, doublement trépané. ( Alduc -Le Bagousse , 1990)

 

6.2.7. Espagne.

Campillo (1977) décrit deux trépanations vraisemblablement engendrées par un méningiome.

Dix cas sont rapportés par Reverte (1980) : trois à Segovia (IX°-XVI° siècles), cinq à Soria (IX°-X° siècles) et deux à Burgos.

 

7.Synthèse

De l'étude précédente il est possible de dégager les points suivants :

  • lorsque le sexe est cité, il s’agit essentiellement de sujets masculins, hormis l’exemple de deux femmes en Grande-Bretagne (Parker et al ., 1986) ;
  • les individus sont principalement adultes, à l’exception d’un enfant irlandais de 13 ans (Fleetwood, 1951) ;
  • la topographie des trépanations concerne le pariétal, voire le fronto-pariétal  ;
  • sur l’ensemble d’une population funéraire, un à trois sujets ont été trépanés pour des raisons thérapeutiques. Si ce nombre d’individus est dépassé, l’opération a été conduite à des fins rituelles. ( Hanewald et Perizonius , 1980 ; Yordanov et Dimitrova, 1990)
  • peu de textes abordent le diagnostic étiologique de l’intervention ;
  • le cas le plus récent publié, date de 2003 ( Smrcka et al. ), les autres relèvent au moins d’une dizaine d’années.

 

8.Conclusion.

La trépanation est une opération chirurgicale pratiquée depuis toujours, ante- ou post-mortem, totale ou incomplète. Il est possible d’en confondre les traces avec celles laissées par des lésions ostéolytiques dues à des affections perforantes de la boîte crânienne, ou à des facteurs taphonomiques.

La mention des découvertes archéologiques récentes montre le peu de trépanations médiévales étudiées ou ayant fait l’objet de publication au cours des dernières décennies. Or s’il semble que cette opération soit courante au Néolithique, sa pratique perdure au Moyen Age. Doit-on alors regretter un manque de communication entre chercheurs ou une méconnaissance de l’intérêt de la paléopathologie dans les travaux archéologiques actuels ?

 

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PALEOBIOS ,13 / 2004 / Lyon-France ISSN 0294-121 X / La trépanation : étude de cette pratique chirurgicale au Moyen Age .