L’anthropologie dentaire médico-légale : méthodes comparatives

             [Yvonne Desbois - cours du 9 novembre 2006 ( UE d'Anthropologie du Master HPDS)]

 

1.  introduction

 

2.  l’identification

    2.1. généralités

    2.2. types d’identification

    2.3  but  

    2.4 : conclusion de l’identification

     

3. la dent

    3.1.historique

    3.2 définitions

    3.3 caractéristiques

    3.4. organogénèse de la denture

    3.5  Usure dentaire

      3.5.1.définition.

      3.5.2 mesure

      3.5.3 Intérêt

      3.5.4.Méthodes d’observation

    3.6. particularités 

            

4 . moyens d’étude

 

5. la fiche dentaire

    5.1  la fiche post-mortem

      5.1.1 schéma dentaire en anthropologie

      5.1.2.  schéma dentaire en identification  et fiche dentaire

     5.2. la fiche ante-mortem

     

6.rapports descriptifs

    6.1. rapports dento-dentaires

    6.2. rapports dento-maxillaires

    6.3. rapport inter-maxillaire

     

 7. méthodes  d’identifications comparatives  

    7.1.les comparaisons : superimposition, photocomparaison, craniophotocomparaison vidéocomparaison

      7.1.1. généralités

      7.1.2. Superimposition

      7.1.3.Craniophotocomparaison

      7.1.4 Photocomparaison

      7.1.5. La vidéocomparaison

    7.2. la cheiloscopie

    7.3. la rugoscopie

    7.4. les empreintes génétiques

     

8.conclusion

 

1.      introduction

Anthropologie médico-légale : application des connaissances de l’anthropologie sur le squelette notamment  lors de la découverte de restes humains   toutes ces diagnoses nous donnent une identité biologique des restes retrouvés dans le squelette

on distingue le crâne et le post-crâne : crâne= crâne cérébral+  crâne facial+ mandibule ; Il permet la  diagnose du sexe, âge, groupe ethnique

2.  l’identification

     2.1. généralités

problème majeur en médecine légale.

A partir des bases morphologiques et dentaires : fait appel à l'anthropologie

        Indispensable pour des raisons sentimentales, légales et sociales, judiciaires.

        Concerne :     - le vivant ; faux-papiers, amnésie, coma, disparition volontaire

                - personnes décédées  : mort individuelle et  morts collectives avec ou sans liste nominative

    2.2. Types d’identification

        comparative et  reconstructive

    2.3  but  

identification absolue avec risque d’erreur nul quelque soit la méthode employée.

méthodes reconnues comme absolues :- empreintes digitales,- empreintes génétiques, - dents

        2.4 : conclusion de l’identification

- identification positive : points similaires

- exclusion définitive : une ou plusieurs particularités non retrouvées 

- identification possible ou probable : nombre de points similaires faible  ou pas de particularités ( éléments insuffisants)

- impossible :  pas de documents suffisant

3. la dent

    3.1.    historique

        moyen d’authentification depuis l’Antiquité : Agrippine

    S.A le Prince Impérial fils de Napoléon III tué par les zoulous

        résistance des dents précisée dans le Chirurgien-dentiste ou traité des dents ( 1761) «  les dents sont plus dures que les autres os, qu’elles les brisent que leur dureté égale celle des pierres, qu’elles résistent au tranchant du fer et ne peuvent être brûlées ni réduites en cendres comme le reste de notre corps » ( Fauchard)

        XIX siècle :

 - incendies du Ring -Theater de Vienne 1878, de l’Opéra comique en 1887 et du Bazar de la Charité en 1897 : les dents sont les seuls restes identifiables d’un corps  - Rôle du dentiste en identification : Amoedo publie l’Art dentaire en médecine légale

        XX siècle:

1945 : Norvège première équipe en vue de l’identification des victimes d’un sinistre

1951 : Stockholm adoption par la 31 assemblée de la commission international de Police Criminelle «  connaître et enseigner l’odontologie légale dans les services de police criminelle »

1966:Gustafson publie Forensic Dentistry

    3.2 définitions

la dent humaine est un organe composé de tissus durs très minéralisés. La dent est un élément de l’appareil manducateur.

la denture est un état.

la dentition est l’ ensemble des phénomènes dynamiques qui aboutit à la mise en place de la denture.

    3.3 caractéristiques

La dent est un outil médicolégal majeur. La denture est  unique pour chaque individu

selon Gustafson : «  la denture présente des caractères individuels tels qu’il n’existe pas deux individus à denture semblable ».

L’étude des dents permet de retranscrire un caractère ou une histoire propre à l’individu. Son étude donne des renseignements en reconstructif et en comparatif.

    3.4. organogénèse de la denture

  •         la chronologie ( éruption)  des  deux dentures fournit des repères précis pour déterminer l’âge dentaire d’un individu.

Chez l’Homme moderne : denture temporaire en place vers 2.5 ans.

                                       denture mixte : débute vers 6 ans ( apparition de la première molaire définitive)

IC= 6.7 ans  IL = 7.8 ans  C.PM=10.12 ans    M2= 12 ans

  •         schémas d’organogénèse particuliers :

une dent a un schéma ternaire pour la formation  de la couronne,  de la racine et la fermeture apicale : 9 ans pour chaque dent

        3 ans pour la couronne : 1/3 de la couronne en 1an, 2/3 de la couronne en deux ans, 3/3 en trois ans

        3 ans pour la racine

        3 ans pour la fermeture apicale

dent de sagesse/ Période 16-17, 20-21 ans : sa maturation  répond à la théorie des quarts.

édification coronaire en quatre ans  édification radiculaire en quatre ans

    3.5 résistance

        protection naturelle dans la cavité buccale ( langue, lèvres et joues). Sa composition confère une résistance :

- à l’action du temps :

    la dent subit des modifications pendant la vie de l’individu en fonction de l’âge et de la maladie (carie, parodontose)

    mais inaltérable après la mort. Pseudocaries post-mortem résultant de la colonisation par microorganisme

- aux agressions :

    physiques (chocs)

    chimiques :(acide : dent détruites par les acides forts mais les prothèses résistent.)

- à l’action du sol :

    acide ( marécage) : décalcification des dents avec disparition totale de l’émail

    sable ou dépôt de calcite : intact pendant des milliers d’années

    %age élevé d’argile : surface radiculaire rugueuse, cavités dans la racine et partie inf de la couronne

- à l’action du feu :

     les dents ont une faible teneur en eau ( 0.4 à 0.8%) et sont protégées par l’ enveloppe musculo-cutanée de la face.

    nombreux matériaux de restauration utilisés ont une résistance à la température qui dépasse celle des dents

- à l’immersion prolongée : à partir de 12 mois, fluorescence mise en évidence par UV

 avantages:

«  les chances d’identifier un individu par voie dentaire augmentent au fur et à mesure que les chances de l’identifier par d’autres moyens diminuent »

    3.6  Usure dentaire

      3.6.1.définition.

A la fois attrition et abrasion dentaire sans distinction de cause

Attrition = perte de substance dentaire résultant du contact dent à dent, que celle-ci soient adjacentes ou sur deux arcades opposées

Abrasion= perte de substance dentaire due à des corps étrangers en contact avec la surface dentaire

                3.6.2 mesure

Echelles d’usure varient suivant les auteurs

                3.6.3 Intérêt

Mécanisme de l’usure dentaire =la  fonction

Facteurs :

- Régime alimentaire ( carnivore, végétarien ,omnivore) ( Homme fossile)

- Préparation de la nourriture ( Homme fossile)

- Age ( méthode de Gustafson et Lamendin)

- Absence de dents non compensées

- Praxies

- Habitudes ou comportement

      3.6.4.Méthodes d’observation

Directe

Microscope électronique à balayage

        3.7. particularités

les particularités intéressantes en anthropologies du squelette et du vivant:

-  l’os alvéolaire n’existe que parce que la dent existe.

- la perte d’une dent provoque une résorption osseuse.

        Relations avec l’aspect du visage : à la mandibule : résorption centrifuge, au maxillaire : résorption centripète

(aspect particulier des personnes édentées)

        Perte d’une canine :

Au maxillaire : approfondissement du sillon nasolabial

A la mandibule : approfondissement du sillon labiomentonnier

        Absence de molaire : joues « creuses »

        Lèvres : muscle orbiculaire non adhérent à l’os: les dents soutiennent les lèvres : aspect particuliers en fonction des positions des dents.  

 

4 . moyens d’étude

- observation directe

- les moulages

    Leurs inconvénients : fragile, différenciation difficile entre type d’obturation et couronne

    Leur apport : rugoscopie,    étude des morsures

- radiographies ; orthopantomogramme, autres incidences : rétro alvéolaires, bite-wing

- photographies

 

5.      la fiche dentaire

 Elle comporte le schéma dentaire (nombre et types de dents présentes et/ou absentes) et toutes observations utiles sur les dents, les rapports dento-dentaires, dento-maxillaires et  intermaxillaires.

    5.1  la fiche post-mortem

      5.1.1 schéma dentaire en anthropologie

schéma anthropologie :craniométrie

légende :

(+) : incluse        + : présente      (-) : absence ante-mortem     - : absence post-mortem

caractéristique d’une absence ante par rapport post mortem : cicatrisation osseuse

      5.1.2.  schéma dentaire en identification  et fiche dentaire

fiche postmortem à but d’identification :maximum de renseignements

le schéma dentaire ( odontogramme) :d’après la FDI

fiche post-mortem :une fiche standart établie par Interpol

- le nombre de dents :

 présentes, absentes ante-mortem, absentes post-mortem, dent surnuméraire

- les particularités anatomiques, de forme, de position, de volume

noter la présence de diastème

- les particularités en rapport avec les habitudes

alimentation, fumeurs, habitudes professionnelles

- les particularités liées à la présence d’un piercing : lingual ,mentonnier, sillon nasolabial ou labiomentonnier.

- les particularités traumatiques : fissures, ébréchures, craquelures, fractures, abrasions

- les particularités pathologiques :caries, tumeurs, dystrophies de l’émail et de la dentine, anomalies de teinte

autres : abrasion, rhizalyse , mylolyse

- les particularités restauratrices : les plus personnalisées, de plus elle sont souvent noter par le praticien

particularités liés aux obturations, particularités prothétiques : prothèses fixes ou amovibles : matériau, forme, nombre de dents concernées, limites…

     5.2. la fiche ante-mortem

but de soins et pas d’identification

propre à chaque praticien qui note:soins conservateurs, soins prothétiques, extractions, particularités

souvent pas de schéma dentaire

6.      rapports descriptifs

    6.1. rapports dento-dentaires/ particularités anatomiques

malformations dentaires

anomalies de nombre

dent surnuméraire

agénésie

anomalie de volume macro ou microdonte

anomalie de position : ectopique

anomalie de conformation : incisive conoïde ou en pelle, taurodontisme( dt carrée, émail boursouflé)

anomalie de structure amélogénèse imparfaite ou dentinogénèse imparfaite ( maladie de Capdepont)

    6.2     rapports dento-maxillaires

position des dents:

        dans le sens antéro-postérieur :mésio-position ou distoposition

        dans le sens transverselinguo ou palatoposition ou vestibuloposition

        dans le sens vertical : égression ou ingression par rapport au plan occlusal.

    6.3     Rapport inter-maxillaire

rapport des maxillaires entre-eux.

      6.3.1    occlusion

état défini par un ou des contacts entre dents antagonistes

      6.3.2    occlusion de convenance

position d’où partent et où reviennent tous les mouvements mandibulaires pour laquelle l’engrènement et le nombre de contact occlusaux sont maximaux

Elle dépend de facteurs osseux et musculaires. Sur un corps, seul l’étude des dents permet de déterminer l’occlusion de convenance.

      6.3.3    Intérêt :

Déterminer l’occlusion

= déterminer la position de la mandibule

= déterminer la dimension verticale

= déterminer la hauteur de l’étage inférieur de la face

= déterminer l’indice facial total

 

7       méthodes  d’identifications comparatives  

    7.1.les comparaisons : superimposition, photocomparaison, craniophotocomparaison vidéocomparaison

            7.1.1. généralités

le protocole  est établi en fonction du matériel à disposition : (crâne, photo, extrait vidéo)

  • Eléments à disposition :

-       photographies personnelles ou issues d’un fichier

-       cassettes vidéo

-       radiographies ante-mortem

-       ces éléments sont à comparer à un crâne ou à une photographie ou à un extrait vidéo

  • au niveau d’un crâne :

analyse anthropologique ( diagnose sexe, âge, morphophénotype, particularités morphologique et pathologique)

analyse odontologique

dessin au dioptrographe

photo du crâne

  • au niveau d’une photo

-       étude anthropologique

-       caractéristiques permettant de déterminer si la personne est édenté partiellement ou totalement et réhabilité prothétiquement

      7.1.2. Superimposition

Historique : cas Ruxton en Angleterre (1935) Dr Brash JC :professeur en anatomie -  

Janssens ( Belgique)

Superimposition : comparaison entre le crâne dessiné ou photographié ou radiographié et la photographie du sujet disparu, à la même échelle, en superposant les deux

      7.1.3.Craniophotocomparaison :

        définition :Méthode anthropologique d’identification comparative et évaluative

                 Comparaison entre le crâne dessiné et la photographie du ou des disparus semblant lui correspondre.

 Elle utilise les principes de l’anthropologie du squelette crânien , anthropologie du vivant, les relations existant entre le squelette crânien et les tissus mous et l’ identification odontologique.

        But :Eliminer ou retenir une identité possible

        Principes : ( PERROT 1996) : utilisation de valeurs indiciaires et angulaires

        Intérêt : pas de recherche d’échelle commune

        Méthodologie : 3 étapes

- Etude descriptive et métrique du crâne

- Etude faciométrique de la photo

- Craniophotocomparaison :

Positionnement des points et paramètres de référence : ressemblance entre le crâne inconnu et la photo établie après calcul de la différence algébrique des valeurs indiciaires et angulaires

      7.1.4 Photocomparaison :comparaison entre deux photos

      7.1.5. La vidéocomparaison est la comparaison entre une vidéo dont on a tiré un plan fixe et la photographie de l’individu présumé ( VAM par exemple)

    7.2. la cheiloscopie

  •         anthropologie du vivant        
  •          définition :identification morphologique à partir des lèvres .
  •         éléments à observer :

la lèvre supérieure

la lèvre inférieure

le liseret labial ondulé est à la jonction de la partie cutanée et la partie muqueuse

les commissures labiales d’où partent le sillon labiomentonnier pour la lèvre inf,   le sillon nasolabial pour la lèvre sup

  •         méthodes : relevé des empreintes
  •         matériel :  support de cellophane spécialement fabriqué directement sur les lèvres pour obtenir la forme avec les plis et fissures ou méthode du rouge à lèvre peu utilisé en Europe
  • 7.3. la rugoscopie

  • anthropologie du vivant
  •         définition: étude du relief de la fibromuqueuse palatine
  •         dans un relevé :  on distingue

- papille rétroincisive qui correspond au canal palatin ant ou émergent nf et vx nasopalatins

- papilles palatines latérales( entre 4 et 7 papilles plus chez l’h que f)

- papilles palatines ant et post

- raphé médian ( ligne légèrement saillante divisant en deux le palais)

  •         méthode :empreinte à l’alginate , élastomère ou photo
  •         intérêt :

-  pérenité : reliefs apparaissent dès le 3 mois de vie in utero et syst bunoïdiens persistent toute la vie

- immuabilité :peu importe trauma ou maladie, se reproduit ad integrum de façon identique et au même endroit, le port de prothèse ne signifie en rien leur situation

  • limites : carbonisation, trauma balistique
  • sur un plan morphologique :

analyses des anomalies congénitales et des malformations osseuses(-tori congénital : exostose, versant L canaux de Wharton soit dans les zones larérales PM et M,   palais zone post, becs de lièvres et fente palatine...)

    7.4. les empreintes génétiques

-       1985  Jeffreys

        l’ADN peut être extrait de la pulpe dentaire après ouverture de la dent et incubation de la pulpe dans un tampon de lyse

l’Adn extrait de la pulpe semble stable et résiste durant trois semaines à des PH variant de 3 à 7 ainsi qu’à des températures allant de 4 à 25 °

dégradations notables quand les dents sont placées dans la terre durant plusieurs semaines : pas d’intérêt pour l’Homme fossileseulement en IML

8       conclusion

la dent est un outil médicolégal majeur.

Denture unique pour chaque individu

Moyen fiable de confirmer ou d’éliminer une hypothèse

Moyen simple, rapide, efficace et peu onéreux.

Importance en anthropologie de connaître les dents afin de savoir :

-       décrire les rapports dentodentaires, dentomaxillaire et intermaxillaire.

-       savoir décrire une dent ( forme, position anomalie…) et les autres éléments de l’appareil manducateur.

-       connaître les relations entre les dents et l’aspect de l’étage inférieur du visage.

-       repositionner les dents sur le maxillaire et la mandibule

-       repositionner une mandibule par rapport à un maxillaire

    -       connaître les différentes techniques possible d’identification à partir du système maxillodentaire.