Guy de Chauliac ( 1300-1368 )

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1 - Notice biographique

"Guy de Chauliac, né sur la bordure sud-ouest du Massif Central, poursuivant ses études dans les facultés du Languedoc (Montpellier, Toulouse) et d'Italie (Bologne), exerçant son art au long du Rhône, à Lyon et en Avignon représente incontestablement le plus grand chirurgien du Moyen-Age finissant", c'est ainsi que commençait J. Enselme dans sa biographie de Guy [ Enselme (J.) , 1969 . Biographie de Guy de Chauliac. La Revue lyonnaise de Médecine, T.XVIII, n°18, pp. 689-696. ] .

Sa date de naissance est incertaine et généralepent admise entre 1280 et 1300. De son enfance on sait peu de choses, tout au moins si on fait abstraction du grand nombre de légendes dont il est le héros involontaire. C'est à Montpellier, en 1325, qu'il acquiert son grade de Magister en médecine. A partir de cette date, on le voit fréquentant les différentes "Universités" européennes : Toulouse, Bologne, Paris. En 1344 (acte capitulaire du 17 Mai), il est promu chanoine de l'église de Saint-Just à Lyon, en remplacement de Jean Chatelard, décédé deux ans auparavant. Au passage rappelons que l'église de Saint-Just remonte au moins au V°, puisque Sidoine Appolinaire, le célèbre historien et chroniqueur lyonnais la cite vers 468. Saint-Just voit, en 1244 l'installation du Pape Innocent IV et en 1305, le couronnement du Pape Clément V. Un hôpital est adjoint au cloître de 1225 à 1562. Guy de Chauliac, en fait,partage son temps entre Lyon et Avignon : il sera le médecin de trois Papes : Benoit XII, Clément VI et Innocent VI. En 1348, quand éclate la grande peste noire il est justement en Avignon où victime de son dévouement, il est atteint par l'épidémie et ne guérit que par miracle. En 1353, il est chanoine avec prébende de Reims , puis abandonne ce poste en 1359, quand il est nommé Prévost du Chapitre de Saint-Just. En 1367, Guy de Chauliac est nommé Chanoine de Mende. Le 23 Juillet 1368, il décède près de Lyon (lieu exact inconnu) et est (très probablement) inhumé dans le cimetière des prêtres de Saint-Just.

La Grande Chirurgie [elle était appelée aussi "le guidon" : allusion populaire au prénom de Guy,  Guido, en italien] , rédigée en 1363, est l'oeuvre maîtresse de Chauliac, on y fit référence jusqu'au XVIII°, ce qui prouve son audience [ Enselme (J.), 1970 . La longue histoire de la Grande Chirurgie de Guy de Chauliac. Album du Crocodile, Lyon, 54 p. ] .L'ouvrage est divisé en sept traités, nous nous sommes intéressés encore une fois à la chirurgie osseuse et à la traumatologie qui concernent les traités III (les plaies) et V (les fractures et luxations) auquel on peut ajouter un chapitre du traité VI (consacré aux amputations des membres gangrenés).

2 - Sources bibliographiques [cf. Guy de Chauliac / PDF (1,9 MO / 1.74 MB)]

Nous avons utilisé les éditions suivantes de l'oeuvre de Guy de Chauliac :

  • éditions Falcon (1537) et Canappe (1562) [le Musée d'Histoire de la Médecine de Lyon, possède un exemplaire de chaque : c'est grâce à l'amabilité du défunt Pr. G. Despierres, ancien Conservateur du Musée, que nous avons pu les consulter (Falcon, pour certains instruments chirurgicaux, Canappe, pour le texte].
  • édition Joubert (1592) [c'est celle reprise par E. Nicaise (Alcan, Paris, 1890)].
  • édition en italien de M. Tabanelli (1970) [Un secolo d'oro della chirurgia francese (1300) - Guy de Chauliac Vol. 2. Collana di monografie di "Romagna medica", Vol. XXVI. Un exemplaire de cet ouvrage nous avait été prêté par le défunt Pr. Mirko Drazen Grmek, de Paris].

3 - Extrait de texte

 

( ... )Curation des playes. L’intention commune en toute solution de continuité, et vnion, comme il est dit au troisiesme du Techni. Et c’est l’indication premier cognuë d’vn chacun, prise de l’essence du mal, qui commande reietter le contraire par son contraire. Laquelle intention generale et premiere, est accomplie par deux : par nature, comme du principal ouurier, qui opere auec ses vertus, et conuenable nourriture et par le Medecin, comme seruiteur operant auec cinq intentions qui sont l’vne à l’autre subalternes.

La premiere, commande oster les choses estrangeres, s’il y en a entre les parties diuisées .

( ... ) De la premiere intention, qui est d’oster les choses étrangeres. La premiere est accomplie, que si la playe n’est pas ouuerte, et qu’entre les parties ait quelque chose estrangere, commue escaille d’os separée poignante, ou quel­que chose affichée ( planté ) comme fleche, ou autre chose estrangere, comme vne espine, qu’elle soit ouuerte. Et s’elle est suffisamment ouuerte, qu’on les retire, et soyent arrachez legerement et sans douleur, avec les doigts ou pincettes, ou tenailles, ou quelque autre engin inuenté par toy mesme.

De l’engin de tirer les fleches et autres choses fichées . Or on arrache les choses fichées par l’inuention des engins. Et le moyen de les inuenter, est prins de la consideration de la nature et diuersité des affichez, et de la consideration de la nature et diuersité des membres. Desquelles deux choses est tiré le troisiesme, scauoir est, le moyen de les arracher, de 1’inuention des instruments. Et combien que la diuersité des affichez soit infinie et ne puisse estre certainement descrite par lettres, et qu’a raison de ce, on ait pour conseil d’examiner les formes des traits de l’ennemy : ce neantmoins Auicenne tasche à les comprendre sous vne diuision octuple, desquels (pour estre plus briefs) je prends les plus communs. Des affichez les vns sont de fer, les autres d’espines, les autres d’os, ou d’autre nature. Item , quelques - vns sont plains, et les autres barbelez. D’auantage, aucuns ont le fer dans lequel entre le fust, les autres vn clou qui entre dans le fust.( cf. glossaire ) Outre ce, les vns sont veni­meux, les autres non.

La diuersité des membres est apprise par l’anatomie , c’est, que les vns sont principaux, les autres non et quelques - vns charnus, esquels les affichez ne tiennent gueres, les autres ossus, esquels l’affiché adhere fermement. D’auantage, il y en a qui sont au descouuert, esquels l’affiché n’a gueres penetré, les autres qui sont au profond, esquels se plonge l’affiché, voire quelquesfois à tant profonde, qu’il est paruenu à la part opposite.

Les instruments qu’on inuente par moyen de ces considerations, nonobstant que soyent plusieurs, toutefois j’en ay huit chez moy des plus communs.

Le premier est tenaille d’Avicenne et sont en forme de demie - lune endentés. Le second sont tenailles de Albucasis et sont en manière de bec d’oiseau endentées. Le tiers sont tenailles cannuleuses pour les sagettes embarbelées. Le quart est tarière renversée à prendre la doule du fer. Le quint est tarière droite à élargir les os. Le six sont incisoires ou taillans à eslargir la chair affin que plus légierement les choses de dedans fichées puissent être ostées. Le septiesme, sont ciseaux à dilater la chair, afin que les affichez soyent plus aisément arrachez. Le huit est balista, c’ est - à - dire arbalette. La manière d’ouvrer des instruments dessusdits est telle que si la chose fichée ne peut être ostée bonnement au premier coup, elle doit estre laissée jusques que la chair amaigrisse et soit pourrie, et lors en le contournant et remuant çà et là, il sera plus legerement retiré, nonobstant le dire de Henric qui commande, qu ils soyent arrachez tout incontinent car ainsi le veulentAuicenne et Albucasis.

Puis il faut auoir soin de la playe , comme des autres, excepté qu on doit exprimer le sang altéré de l’affiché, à ce que la playe soit asseurée de putrefation et y faut verser d’huile chaud, mesmement si on se doute de douleur. Et s’il est enuenimé, soit traité comme les morsures venimeuses. Nais si on ne le peut auoir aisément par le susdit moyen, le patient estant desarmé, et ce qu’il faut apprester estant prest, et en ayant prognostiqué s’il est de besoin, selon la forme donnée, soit prins auec tenailles communes en tournoyant et soit arraché. Et s’elles n’y valent rien, qu’on en prenne d’autres plus fortes. Et si les fleches sont barbelées, que ses barbes soient apprehendées auec tenailles canulées. Si le bois est sorty de la deuille, elle soit arrachée auec tariere renuersee, mise dans la deuille. Et si le bois est auec la deuille, soit arrachée auec tariere droite Et si autrement ne peuuent estre arrachées, soit eslargv le pertuis (s’il est possible) de la chair avec vn rasoir, et de l’os auec des tarieres droites, ou auec trepans, et qu’on les arrache corne dit est. Et si ce ne vaut, soit liée avec les tenailles balista et le patient bien afferme, balista soit deferrée et adonc sera tiré hors.

Mais si la sagette est enfoncée, et ne peut estre retirée par l’endroit par où elle est entrée, soit poussée auec impulsoires sourds, à la part opposite, et si se peut faire commodement, soit arrachée par ce costé là mais s’il n’est possible qu’on la laisse jusques à tant que nature l’en sorte, ou la demonstre. Albucasis raconte de plusieurs esquels les sagettes ont demeuré longuement cachées, qui ont vescu longtemps auec elle sans dommage et à quelques - vns, aucunes ont esté manifestées par nature, et reiettées, et sont gueris.

Des medicaments qui retirent les choses affichées , i’en ay ouuré, ( ... ) médicament propre d’Auicenne : du levain, du miel, du guy de chesne, ammoniac, huile et soit fait un emplastre et applique le dessus. Rogier affirme estre esprouué, que la racine de la canne pilée, appliquée auec du miel, sur l’affiché, le retire sans douleur. Plusieurs autres remedes sont mis en l’antidotaire, et ainsi est accomplie la premiere intention (... ).

 

    Page révisée le 06/07/2105

  Notice biographique extraite de " Glossaire de la matière médicale employée par les chirurgiens médiévaux dans le traitement des blessures " http://perso.wanadoo.fr/raoul.perrot/ >

 

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