Quant à leurs formes, il en est
de grandes et de petites, à fer
plein et à fer creux ; il en est
qui ont trois, quatre et six
angles ; il en est qui ont
des appendices.
Au point de vue des organes
qu’elles atteignent, on peut les
diviser en deux classes. Ou bien
elles atteignent des organes
importants ayant des cavités,
comme le cerveau, le coeur, le
foie, les poumons, les intestins,
les reins, la vessie, etc. Si une
flèche pénètre dans l’un de Ces
organes et que vous voyez
apparaître les signes de mort,
tels que nous les exposerons plus
tard, il faut vous abstenir d’en
pratiquer l’extraction. Le plus
souvent, en effet, ces cas sont
mortels. Si vous ne voyez pas
apparaître ces sympt6mes fâcheux,
et que la flèche n’ait pas pénétré
dans la profondeur des organes, il
faut l’extraire et panser la
blessure.
Tels sont les symptômes qui se
présentent quand une flèche a
pénétré dans le
cerveau
en
traversant le crâne et la membrane
qui recouvre le cerveau. Il
survient une violente céphalalgie,
de l’étourdissement, du vertige,
l’injection et l’inflammation des
yeux, la rougeur de la langue, des
convulsions, la perversion de
l’intelligence, des vomissements
biliaires ; souvent il s’écoule
du
sang
par les narines ou par les
oreilles; souvent la parole est
coupée et la voix fait défaut. Il
s’échappe aussi de la plaie
quelque chose de blanc et de mou
comme de la bouillie, ou bien
encore comme de la lavure des
chairs. Si vous voyez apparaître
ces symptômes, abstenez - vous de
tout traitement et ne cherchez pas
à extraire la flèche si elle ne
sort pas d’elle
-
même.
Tels sont les symptômes quand
la flèche est tombée dans le coeur
. Elle a pénétré près de la
mamelle gauche. On sent qu’elle
est fixée dans un corps solide et
non pas dans le vide souvent la
flèche a des mouvements pareils
aux mouvements pulsatoires ; un
sang noir s’écoule de la blessure
; les extrémités se refroidissent,
il survient une sueur froide et
l’évanouissement. Sachez que la
mort est alors
inévitable.
Tels sont les symptômes de la
pénétration de la flèche dans les
poumons
. Du
sang écumeux s’échappe de la
blessure ; les vaisseaux du cou se
gonflent, le malade change de
couleur, sa respiration est haute
et il cherche à respirer un air
frais.
Si la flèche atteint la
membrane (le diaphragme ) qui se
trouve dans la poitrine , son
entrée sera rapprochée des fausses
côtes, la respiration sera haute
et
s’accompagnera d’une violente
douleur il y aura de l’anhélation
et des mouvements de toutes les
parties situées entre les
épaules.
Si la flèche a pénétré dans le
foie, il surviendra une violente
douleur et il s’échappera de la
blessure du sang dont la rougeur
rappellera celle du
foie.
Si la flèche a pénétré dans
l’estomac , souvent il s’échappera
de la blessure des aliments non
digérés et le diagnostic sera
facile.
Si la flèche a pénétré dans
l’abdomen
et
s’y est fixée, s’il s’échappe de
la plaie des matières stercorales,
des portions d’épiploon, des
intestins dilacérés, alors il ne
faut songer ni au traitement ni à
l’extraction de la flèche. Si la
flèche a pénétré dans la vessie,
de manière à laisser couler
l’urine età sortir en partie, le
malade souffrira violemment et
sera dévoué à la mort. Quant aux
autres parties du corps telles que
la face, le cou, la gorge,
l’épaule, le bras, l’épine
dorsale, la clavicule, la cuisse,
la jambe, etc. , la guérison
est généralement possible, si la
flèche n a rencontré ni artère ni
nerf, et si elle n’est pas
empoisonnée.
Je vous rapporterai plusieurs
de mes observations relatives aux
flèches pour vous guider dans
votre pratique .
Or donc, un homme fut atteint
d’une flèche a l’angle de l’oeil
et près la naissance du nez. Je la
lui retirais par le côté opposé au
- dessous du lobule de l’oreille.
Cet homme guérit, sans qu’il lui
survint d’accident du côté de
l’oeil
J’en retirai une autre à
un
juif, qui avait pénétré dans la
cavité
orbitaire
par
dessous la paupière
inférieure : elle s’était
enfoncée au point que je ne pus en
saisir que la petite extrémité par
laquelle elle s’unit au bois.
C’était une grande flèche, lancée
par un arc turc en fer carré et
lisse, n’ayant pas les deux
oreillons. Le juif guérit et il ne
lui survint à l’oeil aucun
accident.
J’en arrachais un autre de la
gorge d’un chrétien . C’était une
flèche arabe, à oreillons.
J’incisais par dessus, entre les
veines jugulaires elle avait
pénétré profondément dans la
gorge : j’opérai avec
précaution et je parvins à
l’extraire. Le chrétien fut sauvé
et guérit.
Je retirais une autre flèche
qui avait pénétré dans le ventre
d’un
homme
que
je croyais perdu. Cependant, après
une trentaine de jours, son état n
avait pas changé : j’incisais
sur la flèche, et je fis si bien,
que je l’extirpais, sans que le
malade s’en ressentit
depuis.
J’ai vu quelqu’un qui avait
reçu une flèche dans le dos. La
plaie se cicatrisa, et sept ans
après la flèche sortit par la
fesse.
J’ai vu une femme qui avait
reçu une flèche dans le ventre .
La flèche resta et la plaie se
cicatrisa. Cependant la femme
n’éprouva ni gène ni douleurs, et
n en vaqua pas moins à ses
occupations
habituelles.
J’ai vu un homme dans la face
duquel une flèche avait pénétré .
La plaie se cicatrisa et la flèche
resta sans que pour cela le sujet
souffrit beaucoup. J’ai vu
plusieurs cas de ce
genre.
J’ai aussi extrait une flèche à
un des officiers du sultan . Elle
était entrée par le milieu du nez
en inclinant un peu à droite elle
était tellement enfoncée qu’elle
avait complètement disparu. Je fus
appelé pour le soigner, trois
jours après l’accident. Je trouvai
la plaie très étroite ; je
l’explorais avec un stylet fin,
mais je ne sentis rien. Cependant,
le malade éprouvait de la gène et
de la douleur à droite, au -
dessous de l’oreille. Je pensai
que c était la flèche, j’appliquai
donc des cataplasmes faits de
substances digestives et
attractives, espérant en moi -
même que l’endroit allait se
tuméfier, que j’aurais des indices
de la flèche et que je pourrais
inciser par dessus. Mais rien ne
survint qui pût m’indiquer où elle
était logée, de continuai
l’application des cataplasmes
pendant plusieurs jours et rien de
nouveau ne survint. Cependant la
plaie s’était cicatrisée et le
malade resta quelque temps à
désespérer de son extraction,
quand un jour la flèche se fit
sentir dans le nez. Il m’en fit
part et j’appliquai, pendant
plusieurs jours, un médicament
irritant et caustique, de telle
sorte que la
plaie
s’ouvrit. Je l’explorais et je
sentis la petite extrémité de la
flèche, le point où elle s’attache
au bois. Je continuai à élargir
l’ouverture par l’application du
caustique, si bien que j’aperçut
le bout de la flèche. Il y avait
environ quatre mois que je
traitais le malade. Enfin quand la
plaie fut assez élargie et que je
pus introduire des tenettes, je
l’attirai, je la fis branler mais
sans parvenir à l’extraire, je ne
cessai pourtant d’employer tous
les moyens, tous les artifices et
tous les instruments, jusqu’à ce
qu’un jour l’ayant saisie avec
d’excellentes pinces dont je
donnerai la description à la fin
du chapitre, je la fis sortir et
je pansais la blessure. Quelques
médecins prétendent que les
cartilages du nez ne se réunissent
pas ils se sont néanmoins réunis,
la plaie se cicatrisa, le sujet
guérit parfaitement sans éprouver
aucune gêne.
Je veux vous enseigner comment
se fait l’extraction des flèches
en certains cas, afin que ce soit
pour vous un guide et une règle
dans les cas dont je n’aurai pas
parlé.
Les différents procédés
d’extraction des flèches ne
peuvent être décrits et exposés
dans les livres . Cependant un
praticien habile saura agir du
petit au grand et par le connu il
saura apprécier l’inconnu. Il
instituera des méthodes nouvelles
et des instruments nouveaux dans
les cas extraordinaires, s il s’en
présente, en s inspirant de son
art lui - même.
Je dis donc que l’extraction
des flèches, qui ont pénétré dans
les organes et s’y sont fixées,
peut se faire de deux manières,
soit en tirant par le point où
elles sont entrées, soit en tirant
par le côté
opposé.
Quant au procédé d extraction
par le côté d’entrée, si les
flèches se présentent dans un
endroit charnu, il faut tirer
dessus et les extraire. Si on ne
le peut immédiatement, il faut
attendre quelques jours jusqu’à ce
que les chairs ambiantes entrent
en suppuration et que l’extraction
soit rendue facile. De même, si
elles sont fixées dans un os et
qu’elles ne veulent pas céder, il
faut attendre quelques jours,
recommencer chaque jour
l’ébranlement et la traction et
l’on finira par les extraire.
Quand au bout de plusieurs jours
elle résiste encore, forez tout au
tour de la flèche avec un
perforateur léger, dans la
substance même de l’os, pour
donner du large à la flèche enfin
tirez et elle
cédera.
Si la flèche s’est arrêtée dans
un os de la
tète
et
qu’elle ait pénétré dans un
ventricule du cerveau, si l’on
voit apparaître chez le malade
quelques - uns des symptômes que
nous avons mentionnés, il faut
s’abstenir de 1’ extraction et
attendre quelques jours jusqu’à ce
que l’affaire soit jugée. En
effet, si la flèche a traversé la
membrane cérébrale, la mort ne se
fera pas
attendre.
Si la flèche est entrée
seulement dans la substance des
os, mais sans intéresser la
membrane et que le malade ait
résisté quelques jours, sans qu’il
soit survenu d’accidents graves,
il faut songer à pratiquer
l’extraction.
Si elle est fortement fixée
dans les
os
et
qu’elle résiste à la traction, il
faut forer tout autour comme je
l’ai dit, puis l’extraire et
panser la plaie jusqu’à la
guérison.
Si
la
flèche s’est cachée dans un point
reculé du corps, de manière à ne
pouvoir être ni vue, ni sentie,
allez à sa recherche avec un
stylet si vous la rencontrez, il
faut la retirer avec un instrument
approprié. Si vous êtes empêché
par l’étroitesse de la plaie et
l’éloignement de la flèche et
qu’il n’y ait là ni os, ni nerf,
ni veine, incisez, de manière à
élargir la plaie, à pouvoir
atteindre la flèche et à
l’extraire. Si elle a des
oreillons, saisissez - les,
dégagez - les de toutes parts des
chairs qui leur sont adhérentes,
et cela avec tous les soins
possibles. Si vous ne pouvez vous
débarrasser de ces chairs,
cherchez à rompre ou à tordre les
oreillons, puis vous les
extrairez.
Dans vos efforts d’extraction,
quel que soit l’endroit du corps
où la flèche a pénétré, il faut
exécuter avec les pinces des
mouvements de rotation dans tous
les sens, de manière à dégager la
flèche mais agissez avec beaucoup
de ménagements, dans la crainte de
la rompre, ce qui en rendrait
difficile la traction et la
sortie.
Si vous ne pouvez l’extraire
immédiatement, laissez - la
quelques jours jusqu’à ce que les
chairs ambiantes tombent en
suppuration revenez ensuite à la
charge et vous éprouverez moins de
difficulté. S’il vous survient une
hémorragie, employez les moyens
que nous avons recommandés dans un
chapitre
spécial.
Gardez - vous bien d’intéresser
une veine. un nerf ou un
tendon
employez
toutes les précautions possibles
pour dégager la flèche agissez
avec prudence et persévérance,
comme nous l’avons
recommandé.
Il faut tâcher aussi, dans vos
manoeuvres d’extraction, de placer
le malade dans la position où il
était quand il a reçu la flèche,
cette position étant plus
avantageuse si cela vous est
impossible, donnez - lui la
position que vous
pouvez.
Quand on doit extraire la
flèche du côté opposé à celui par
lequel elle est entrée , il peut
se présenter deux cas ou bien une
portion de la flèche est déjà
sortie ; ou bien on sent la pointe
sous une saillie de la peau
qu’elle soulève. Il faut inciser
assez largement pour donner
passage aux tenettes, on tire
alors et on l’extrait
facilement.
Si la flèche est retenue dans
un os, il faut lui faire exécuter
avec la main des mouvements de
rotation, de telle sorte qu’en
frottant contre l’os, elle
élargisse sa cavité, puis on
l’extrait. Si elle résiste, on la
laisse quelques jours, puis on
revient à la charge jusqu’à ce
qu’elle cède à
l’extraction.
Si le bois de la flèche lui est
adhérent , il faut agir en même
temps sur lui. S’il est tombé et
que vous vouliez agir en poussant
sur la flèche, il faut appliquer
sur le bout un instrument creux,
dont la cavité s’emboîte sur la
queue de la flèche. Si la flèche,
au contraire, est creuse, on agira
en faisant pénétrer l’instrument
dans sa cavité. La sortie de la
flèche se fera plus
facilement.
Si la flèche était empoisonnée
, vous enlèverez toutes les chairs
avec lesquelles elle aura été en
contact, si cela vous est
possible. Vous panserez ensuite
avec des médicaments
convenables.
Si la flèche a
pénétré
dans
la poitrine, dans l’abdomen, dans
la vessie ou dans le flanc, mais
peu profondément et de manière à
être perçue avec le stylet si
l’incision est possible, il faut
inciser, en ayant soin de n
intéresser ni veine ni nerf, puis
on l’extraira. On appliquera une
ligature sur la plaie, s’il est
nécessaire, ensuite on pansera
jusqu’à la guérison. Pour extraire
les flèches on utilisera des
pinces dont les extrémités
ressemblent à un bec
d’oiseau
[tenailles
d'Abulcasis]
. Elles seront cannelées comme
des limes, afin qu’en saisissant
une flèche ou tout autre chose, on
ne la lâche pas. On en aura de
toutes dimensions ( ...
) suivant les dimensions de la
flèche et de
plaie.